Nous avons eu la chance d’accueillir Sophie Wilmès à l’ancienne maison communale d’Uccle, dans cette salle du Conseil magique où Sophie a commencé son expérience politique. Aujourd’hui tête de liste MR à l’Europe, Sophie a abordé son expérience belge et sa vision européenne, lors d’un échange particulièrement inspirant.
Crises et Politique
Une situation gouvernementale inédite pour gérer une pandémie
La période 2018-2020 en Belgique a été marquée par une instabilité politique. Lorsque la crise de la covid-19 a frappé, Sophie Wilmès a dû gérer le pays en tant que Première ministre d'un gouvernement minoritaire et en affaires courantes. Cela signifiait qu'elle ne pouvait pas compter sur une majorité parlementaire stable et devait constamment négocier pour obtenir le soutien nécessaire pour les mesures critiques. En dépit de ces défis, Sophie a su mobiliser une équipe solide et travailler en étroite collaboration avec des experts pour naviguer à travers la pandémie.
L'importance de l'intelligence collective
Sophie Wilmès croit fermement en l'intelligence collective et en la force des équipes. Selon elle, le succès dans la gestion de crises, comme celle de la pandémie, repose sur la capacité à rassembler des personnes ayant des compétences et des connaissances complémentaires. Travailler avec des experts et former un gouvernement inclusif ont été des éléments clés de sa stratégie pour gérer efficacement la crise sanitaire.
« Quand on gère un pays, on ne le gère pas tout seul. Vous êtes peut-être une figure emblématique, mais derrière vous, il y a énormément de gens. L'idéal, c'est d'avoir derrière vous un gouvernement qui n'est pas minoritaire et qui n'est pas en affaires courantes », explique Sophie.
Malgré les défis, elle a réussi à instaurer un esprit d'équipe et à maintenir une collaboration étroite avec les ministres-présidents et d'autres acteurs politiques, même ceux avec qui elle ne partageait pas nécessairement les mêmes opinions politiques.
Un leadership inspirant
La gestion de la crise par Sophie Wilmès a également mis en lumière l'importance de la flexibilité et de la résilience. En naviguant à travers des majorités de circonstances et en négociant constamment pour obtenir des accords, elle a démontré une capacité remarquable à s'adapter et à fédérer. Cette approche pragmatique et collaborative a permis de prendre des décisions cruciales pour la santé publique, même en l'absence d'un soutien parlementaire solide.
Les femmes
Contrairement à la perception commune, Sophie n'a pas été nommée en raison d'une crise, mais plutôt suite à la nomination de son prédécesseur au Conseil européen. Sa nomination est survenue avant la crise. La féminité n'a pas été un facteur déterminant dans sa gestion de la crise, et Sophie elle-même n'a jamais vu son parcours à travers le prisme du genre.
Cependant, la notion de falaise de verre a été abordée, soulignant que les femmes sont souvent appelées à des postes de responsabilité en temps de crise, quand il existe un risque accru d'échec…
Dans le domaine de l'entrepreneuriat féminin, nous avons souligné les plafonds de verre persistants, qui entravent la capacité des femmes à obtenir des financements et à réussir dans des secteurs rentables. Le MR a développé une série de propositions pour augmenter le taux de femmes entrepreneures, actuellement à 35%. De plus, Sophie a souligné la nécessité de former les femmes à avoir plus confiance en elles et à valoriser leurs qualités.
Interrogée sur son expérience en tant que première femme Première ministre, Sophie a révélé une perspective intéressante. Elle n'a jamais envisagé son parcours professionnel à travers le prisme du genre. Lorsqu'elle est devenue Première ministre, elle ne s'est pas dit qu'elle serait la première femme à occuper ce poste, mais plutôt qu'elle devait simplement faire le travail.
Sophie reconnaît cependant l'impact symbolique de son rôle en tant que première femme à cette fonction. Elle est consciente des défis persistants auxquels sont confrontées les femmes dans tous les milieux et soutient les mesures telles que les quotas comme moyen de promouvoir l'égalité des chances.
Formation de gouvernements et montée des extrêmes
La Belgique se retrouve face à une dualité complexe : d'un côté, la nécessité de former des gouvernements dans un paysage politique fragmenté, et de l'autre, la montée inquiétante des mouvements extrêmes. Cette conjonction soulève des défis majeurs, tant sur le plan démocratique que sur celui de la stabilité sociale.
Un péril démocratique
La montée des mouvements extrêmes, tant à droite qu'à gauche, suscite des préoccupations profondes. Ces mouvements exploitent les émotions négatives telles que la peur et la colère pour séduire les électeurs, proposant des solutions simplistes à des problèmes complexes. En Europe, en particulier, l'essor de l'extrême droite est alarmant, pouvant potentiellement la hisser au rang de troisième force au Parlement européen, dépassant même les libéraux. Cette tendance remet en question les fondements de la démocratie européenne, mettant en danger les principes de tolérance et de pluralisme.
Le rôle crucial de l'éducation et du dialogue
Face à cette montée de l'extrémisme, l'éducation et le dialogue sont des armes essentielles. Il est impératif d'enseigner aux générations futures les conséquences néfastes du vote pour les extrêmes, en s'appuyant sur les leçons de l'histoire. Le dialogue intercommunautaire et interpartis est également indispensable pour construire des consensus et prévenir les divisions.
Les défis de la formation gouvernementale
La Belgique fait face à des défis uniques dans la formation de gouvernements, en raison de son paysage politique fragmenté et de la montée des extrêmes. Les sondages actuels indiquent qu'exclure les extrêmes laisse seulement 106 sièges sur 150 disponibles pour former une majorité parlementaire. La nécessité d'une majorité solide, tenant compte des absences, complique davantage la situation. Pour éviter les blocages, il est fondamental d'éviter la "valse des exclusives" entre les partis démocratiques et l'autodisqualification des partis après les élections.
Propositions pour une gouvernance efficace
Pour accélérer la formation des gouvernements, deux approches sont envisagées pour se contraindre à des délais : la hard deadline, inspirée du modèle espagnol, et la soft deadline, plus flexible. Cependant, la régularité de l'information au Parlement est cruciale pour garantir la transparence et l'efficacité du processus gouvernemental.
Réformes pour renforcer la démocratie
La Belgique se trouve à un carrefour de son histoire politique, confrontée à des défis majeurs liés à la formation des gouvernements et à la montée des extrêmes. Pour surmonter ces défis, il est impératif d'adopter des mesures éducatives, de promouvoir le dialogue intercommunautaire et de réformer les institutions démocratiques. Des initiatives innovantes telles que l'organisation de panels citoyens ou des référendums sont envisagées pour renforcer la démocratie en Belgique. La création d'une circonscription fédérale unique pourrait également favoriser le rapprochement des communautés et renforcer le lien entre les citoyens et leurs représentants.
En travaillant ensemble, les Belges peuvent construire une démocratie résiliente, fondée sur les principes de tolérance, de pluralisme et de participation citoyenne.
Les années à venir s’annoncent donc cruciales pour la Belgique. A Bruxelles en particulier, le retour à l’équilibre des finances publiques sera un enjeu majeur. Avec une dette consolidée à Bruxelles atteignant 13 milliards pour un budget annuel de seulement 8 milliards, des réformes s’imposeront.
En tant que libéraux, après 20 ans d’opposition, nous réduirons les dépenses publiques mais nous opposerons à des prélèvements supplémentaires qui pénaliseraient la classe moyenne.
Autonomie stratégique de l'Europe
Pour Sophie Wilmès, l'importance de l'autonomie stratégique de l'Europe dans un monde en constante évolution dépasse largement le domaine de la Défense pour englober tous les aspects de la vie économique et sociale de l'Union européenne.
Sophie rappelle les leçons tirées de la crise de la covid-19, où l'Europe s'est retrouvée confrontée à une dépendance excessive à l'égard d'autres régions du monde pour des produits essentiels tels que les équipements médicaux et les produits pharmaceutiques. La pénurie de masques et d'autres fournitures médicales a mis en évidence la nécessité pressante de renforcer la production locale et européenne pour garantir la sécurité sanitaire et économique de la région.
Dans cette optique, elle insiste sur la nécessité de réindustrialiser l'Europe, en mettant l'accent sur des secteurs clés tels que les semi-conducteurs, les technologies vertes et les produits pharmaceutiques. Elle souligne également l'importance de diversifier les sources d'approvisionnement et de promouvoir le "Made in Europe" pour réduire la dépendance aux importations de pays tiers.
Pour atteindre ces objectifs, Sophie met en avant le Pacte industriel vert de l'Europe et les alliances industrielles, qui visent à soutenir la transition vers une économie plus autonome et durable. Elle souligne cependant que des défis importants restent à surmonter, notamment en matière d'accès au financement, de simplification des réglementations et de formation de la main-d'œuvre qualifiée.
Plus d’équité grâce au mécanisme d’ajustement carbone
Enfin, la tête de liste à l’Europe aborde la question de la compétitivité de l'Europe sur la scène mondiale. Elle reconnaît l'importance de maintenir un niveau de compétitivité élevé tout en adoptant des réglementations environnementales et sociales strictes. À cet égard, elle évoque le mécanisme d'ajustement carbone de l'Europe, qui vise à garantir que les produits importés respectent les mêmes normes environnementales que ceux produits sur le territoire européen.
L'autonomie stratégique, tout en maintenant l’Europe ouverte, apparait comme un impératif pour l'Union afin de garantir sa souveraineté, sa sécurité et sa compétitivité à long terme. En renforçant sa capacité à produire et à innover localement, tout en diversifiant ses sources d'approvisionnement et en promouvant une économie verte, l'Europe peut affirmer son rôle de leader mondial dans un monde en évolution rapide.
L'Europe de la Défense
L’ancienne Première Ministre, a souligné l'importance croissante de l'Europe de la Défense dans le contexte géopolitique actuel, marqué par des défis sécuritaires et une évolution des relations transatlantiques. Elle ajoute que cette initiative, bien que déjà existante, prend une nouvelle dimension à la lumière de certains événements récents.
L'élection de Donald Trump en 2016 a souligné le besoin pour l'Europe de prendre en main sa propre sécurité, en complément de l'OTAN. Les tensions croissantes avec la Russie, illustrées notamment par l'invasion de l'Ukraine, ont également renforcé cette perception de menace, incitant l'Europe à se préparer à toute éventualité.
Sophie insiste sur le fait que l'Europe de la Défense ne doit pas être perçue comme une initiative séparée de l'OTAN, mais plutôt comme un moyen de renforcer l'ensemble de l'organisation. Elle souligne le caractère défensif de l'OTAN et affirme que le renforcement de l'Europe de la Défense contribue à la sécurité collective de la région.
Pour que cette initiative soit efficace, il apparait nécessaire d’avoir une étroite coordination étroite entre les pays européens, ainsi que des investissements importants dans les capacités militaires. Avec un budget total de défense de 250 milliards d'euros par an, l'Europe a le potentiel de renforcer son autonomie stratégique dans ce domaine, mais cela nécessite une approche coordonnée et intégrée d’après la libérale.
Elle souligne également l'importance de l'interopérabilité entre les forces armées européennes, ainsi que des achats groupés d'équipements militaires pour accroître l'efficacité et la crédibilité de l'Europe de la Défense.
Sophie Wilmès appelle à une plus grande dynamique politique autour de l'Europe de la Défense, affirmant qu'elle est un pilier essentiel de l'autonomie stratégique de l'Europe. En travaillant ensemble pour renforcer leurs capacités militaires et leur coopération, les pays européens peuvent garantir leur sécurité et défendre leurs intérêts communs dans un monde en évolution rapide.
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